Invisible, mais redoutables, les traumatismes oculaires liés au sport touchent chaque année des milliers de sportifs de tous niveaux. Plus de 40 % des blessures aux yeux recensées chaque année dans le monde sont liées à des activités sportives ou récréatives. Voilà les résultats d’une étude de l’American Academy of Ophthalmology et de l’American Society of Ocular Trauma [1]. Cette proportion élevée s’explique notamment par l’absence ou la mauvaise utilisation de protections adaptées chez la majorité des pratiquants. Ces accidents peuvent altérer la vision de manière temporaire ou définitive, parfois sans douleur apparente. Pourtant, la plupart de ces lésions pourraient être évitées grâce à des mesures de prévention simples et adaptées.Mais concrètement, qu’est-ce qui rend l’œil si vulnérable à l’effort physique ? Quels sont les sports les plus dangereux pour la santé visuelle ? Et surtout, comment protéger efficacement ses yeux sans compromettre ses performances ? Les réponses à ces questions se trouvent dans l’article.
Comprendre les traumatismes oculaires sportifs
Pour bien appréhender ce phénomène, il est essentiel d’examiner d’abord les traumatismes oculaires, les sports les plus à risque et les types de blessures les plus fréquents.
Qu’est-ce qu’un traumatisme oculaire ?
Un traumatisme oculaire résulte d’une lésion du globe oculaire ou des structures adjacentes (paupières, orbite, nerf optique) provoquée par un choc direct ou indirect. Dans le cadre sportif, la cause peut être diverse : coup de ballon, contact accidentel avec un adversaire, chute ou projection d’un objet.
Ces blessures se classent principalement en deux catégories : les traumatismes fermés (contusion, hémorragie intraoculaire, luxation du cristallin) et les traumatismes ouverts (plaies pénétrantes, éclatement du globe).
Selon les spécialistes, les lésions plus discrètes comme l’abrasion cornéenne sont les plus fréquentes, mais elles ne doivent pas faire oublier l’existence de microtraumatismes répétés susceptibles d’altérer progressivement la vision. Par ailleurs, la rétine est un tissu nerveux extrêmement fragile, dont la structure ressemble à celle du cerveau, ce qui explique pourquoi certaines commotions cérébrales peuvent aussi se manifester dans l’œil.
Comprendre ces interactions est essentiel pour développer de nouveaux biomarqueurs et évaluer plus finement les séquelles possibles. Les traumatismes oculaires doivent ainsi être considérés non seulement comme des blessures physiques, mais aussi comme des signaux d’alerte d’une éventuelle atteinte neurologique plus large.
Les sports les plus à risque
Les disciplines avec lesquelles le contact ou la vitesse dominent exposent fortement les yeux aux impacts. Le basket-ball, le football, le rugby, la boxe et le judo figurent parmi les activités sportives où le risque de traumatisme oculaire est particulièrement élevé. Par ailleurs, les sports de raquette comme le squash et le badminton exposent aussi fréquemment à des chocs rapides et directs avec la balle.
Le facteur commun est souvent l’imprévisibilité du mouvement du projectile ou du partenaire, ce qui empêche le sportif d’anticiper le choc. Les études montrent que les hommes sont plus généralement touchés, représentant plus de 80 % des cas signalés [2]. En France, l’analyse de la prévalence suggère que cette proportion s’explique à la fois par la plus forte participation masculine aux sports de contact et par une moindre utilisation des protections.
Dans les sports nautiques et de glisse, d’autres risques existent, comme les projections d’eau salée, les coups de mât ou de planche. Même les sports perçus comme peu dangereux (golf, équitation, cyclisme) ne sont pas exempts d’accidents oculaires.
Globalement, plus un sport combine vitesse, contact et objets en mouvement, plus le risque visuel est élevé.
Les blessures les plus fréquentes
Après avoir identifié les disciplines à risque, il convient de se pencher sur les types de lésions les plus couramment rencontrées chez les sportifs.
De un, les lésions oculaires recensées dans le cadre sportif sont variées, mais certaines reviennent de façon récurrente. Les abrasions cornéennes représentent plus de 70 % des blessures observées, principalement dues à des chocs légers ou à la pénétration d’un corps étranger, toujours selon Acuité. Les contusions et fractures du plancher de l’orbite sont quant à elles observées dans les sports de contact et peuvent s’accompagner d’une paralysie oculomotrice si le muscle est incarcéré.
De deux, le décollement de la rétine constitue l’une des complications les plus redoutées, nécessitant une prise en charge chirurgicale urgente pour éviter la perte de la vision. Dans les cas extrêmes, un éclatement du globe peut survenir, notamment lors d’un impact violent avec une balle de squash ou une raquette mal dirigée. Ce type de blessure est une urgence ophtalmologique majeure.
Enfin, les traumatismes répétés, même mineurs, peuvent à long terme fragiliser les structures internes de l’œil, entraînant une atrophie progressive du nerf optique. Ces observations conduisent à considérer que toute gêne visuelle après un choc, même sans douleur, justifie un examen complet pour éviter les séquelles irréversibles.

Diagnostic, traitement et prévention
Une fois la nature de ces blessures comprise, il est essentiel de s’intéresser à la manière dont elles sont diagnostiquées, traitées et, plus encore, évitées grâce à une approche préventive adaptée.
Une fois la nature de ces blessures comprise, il est essentiel de s’intéresser à la manière dont elles sont diagnostiquées, traitées et, plus encore, évitées grâce à une approche préventive adaptée.
Le diagnostic précoce d’un traumatisme oculaire est essentiel pour prévenir les complications graves. Tout sportif ayant reçu un impact à l’œil, même en l’absence de douleur intense, devrait être orienté vers une consultation ophtalmologique. Les examens cliniques permettent d’évaluer la vision, la motricité de l’œil et l’intégrité de la cornée. En cas de suspicion de fracture orbitaire ou de décollement de rétine, un scanner ou une imagerie par cohérence optique [3] est réalisé pour visualiser précisément les structures internes.
Dans certains hôpitaux, des outils d’imagerie de haute précision sont utilisés pour mesurer l’épaisseur rétinienne et détecter les micro-lésions souvent invisibles à l’œil nu. Les résultats de ces analyses peuvent révéler des altérations subtiles du nerf optique, surtout chez les sportifs pratiquant des disciplines à chocs répétés comme le rugby. Cette approche scientifique ouvre la voie à l’utilisation future de biomarqueurs oculaires pour détecter les commotions cérébrales précocement. Cela pourrait révolutionner le suivi médical des athlètes et réduire considérablement les risques de séquelles à long terme.
Les traitements et leur évolution
Une fois le diagnostic posé, les traitements varient largement selon la gravité de la blessure et le type de traumatisme observé.
D’abord, les atteintes légères, comme les abrasions cornéennes, sont traitées par collyres antiseptiques, pansements oculaires et parfois anti-inflammatoires. En revanche, les contusions graves ou plaies perforantes nécessitent une intervention chirurgicale immédiate afin de restaurer la stabilité du globe oculaire et prévenir l’infection.
Puis, lors d’un décollement de rétine, la rapidité d’intervention est déterminante pour sauver la vision. Les progrès récents en microchirurgie ophtalmique ont permis d’améliorer les taux de récupération visuelle après opération, mais la rééducation reste longue. De plus, les nouvelles technologies d’imagerie permettent un meilleur suivi post-opératoire et aident à repérer les complications plus vite.
Néanmoins, la thérapie ne se limite pas au soin immédiat. Un suivi à long terme est souvent indispensable pour détecter d’éventuelles séquelles tardives. Dans tous les cas, un contrôle annuel chez un ophtalmologiste est vivement recommandé pour tout sportif, qu’il soit amateur ou professionnel.
La prévention : protéger ses yeux, un réflexe à adopter
En plus du traitement, la véritable clé réside dans la prévention active des blessures oculaires.
La prévention demeure la mesure la plus efficace pour réduire les traumatismes oculaires liés au sport. Environ 90% des blessures oculaires pourraient être évitées par le port de lunettes ou de masques de protection adaptés, selon Acuité. Ces équipements, fabriqués à partir de matériaux résistants comme le polycarbonate, allient confort, ergonomie et performance visuelle. Les modèles récents intègrent des filtres spécifiques pour optimiser les contrastes et peuvent inclure une correction optique pour les porteurs de verres correcteurs.
Pourtant, la sensibilisation reste insuffisante. Peu de pratiquants sont conscients du risque réel lié à leur discipline. Les campagnes d’éducation menées par la Société française d’ophtalmologie insistent sur l’importance de développer une culture de la protection visuelle dès le plus jeune âge, notamment dans les sports scolaires. Dans certains pays comme les États-Unis, le port de lunettes protectrices est déjà obligatoire pour les jeunes joueurs de squash et de hockey. Cette démarche devrait être élargie à d’autres disciplines. La prévention passe aussi par la formation des entraîneurs et des clubs, afin d’intégrer les bonnes pratiques dans la préparation des athlètes.

Conclusion
Les traumatismes oculaires liés au sport ne sont pas de simples accidents passagers ; ils constituent une menace réelle pour l’intégrité visuelle et neurologique des sportifs. Les récentes recherches montrent que ces lésions, parfois invisibles, peuvent altérer durablement la rétine et le nerf optique. Si la médecine ophtalmologique a fait des progrès notables en matière de diagnostic et de traitement, c’est bien la prévention qui demeure la clé. En adoptant systématiquement les équipements de protection, en réalisant des bilans réguliers et en sensibilisant les pratiquants, il devient possible de faire reculer ces accidents évitables. Chaque œil préservé est un gage de performance, de sécurité et de qualité de vie pour le sportif, quel que soit son niveau d’engagement.
Références :
[1] : Un point sur les risques oculaires et les pratiques sportives des Français
[2] : Traumatismes sportifs : attention aux yeux !
[3] : Tomographie en Cohérence Optique (OCT)
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La vision dans le sport : un levier trop souvent négligé